albanie,

 le pays des aigles. 

   Tout pays demande à être connu. Car, connaître un pays, c'est le mieux comprendre, et particulièrement les petits peuples, car ce sont précisément ceux-là qui souffrent de la plus grande incompréhension.

   Dans notre monde moderne encore, et bien que les moyens d'information aient atteint un degré de développement extraordinaire, les contrées qui composent cette partie de l'Europe ( la péninsule balkanique) sont en effet victimes d'une méconnaisance désespérante, qui demeure dans le monde contemporain une cause majeure de tragédies.

   Que l'Albanie soit, au sein du continenet européen, le pays qui, plus que tout autre ait eu à subir à la fois isolement épouvantable, méconnaisance, et, par conséquent, coups aveugles occasionnés par cette situation, cela ne fait aucun doute . Aussi, plus que d'autres, a-t-elle besoin d'être connue, comprise. Pourtant, même si la dictature communiste, ce commode alibi de l'Europe pour justifier de son indifférence, n'a pas chuté, nombreux sont ceux qui trouvent encore aujourd'hui des motifs pour ne rien savoir de l'Albanie.

   L'Albanie appartient à la zone balkanique, voilà un fait indiscutable. Tous les démons s'y donnent à présent rendez-vous. L'histoire, les mythes, les emblèmes, les reliques ou des saints on les arrache des tombes pour servir plus souvent le mensonge que la vérité ! C 'est-à-dire pour servir cette terreur et cette honte !

   On fait souvent le reproche aux Albanais de trop rappeler qu'ils sont des autochtones, descendants des Illyriens de l'Antiquité; mais s'ils le font, c'est ni par obssesion historique ni par vanité de lignage,  mais parce que c'est pour eux, face aux fallacieuses références à l'histoire visant à les arracher à leur sol et à justifier les génocides, l'unique moyen de défense. Leur demander de renoncer à clamer qu'ils sont autochtones en ce pays, même s'il s'agit de requête amicale formulée dans un but d'apaisement, équivaudrait, dans un duel, à retirer son bouclier à celui qui vient déjà de céder son épée à l'adversaire.

                                                             ISMAIL KADARE